News

Partager sur :

Affaire des meubles: le verdict rendu par la justice

10 février 2025 Association
Vue 201 fois

Retour sur les faits

C'était il y a plus de deux ans déjà. En octobre 2022, alors que l'administration et les étudiants investissaient le flambant neuf campus de Saclay, et tandis que les chercheurs de l'INRAE scotchaient leurs derniers cartons pour les rejoindre, le ménage battait son plein dans les recoins des différents bâtiments. Concentrée sur la complexe inauguration de Saclay, l'administration d'AgroParisTech s'est en parallèle attelée au nettoyage de ses locaux historiques. Quand on déménage, on tombe parfois sur des vieilleries, parfois sur des trésors. Peu concernée par cet encombrant passé, elle a eu tendance à considérer que tout ce qui se trouverait dans les greniers du domaine relevait plutôt de la première catégorie.

 

C'est ainsi que se sont retrouvés mis en vente aux enchères tout un ensemble de meubles sur un site gouvernemental, pour une mise à prix dérisoire. Les meubles sont, dit-on alors, "de style" Louis XVI. C'est à dire, de facture contemporaine en imitation du style de l'époque, et donc à faible valeur patrimoniale. Quelques jours en ligne sans publicité, vite achetés, vite revendus, cette fois à Drouot, où un fin (et honnête !) collectionneur alerte nos amis de l'association Sites et Monuments: "Allô, je viens d'acheter bien en deçà de sa valeur réelle du mobilier remarquable provenant du château de Grignon, est-ce normal ?"

 

Après quelques recherches, le scandale éclate: en appui à Sites et Monuments, le Canard Enchainé ainsi que la site spécialisé La Tribune de l'Art publient un premier article foisonnant de détails faisant état de l'ampleur du fiasco (article du Canard disponible sur le site de Sites et Monuments).

Une des commodes vendues comme "de style" alors qu'elle est bien "d'époque" lors des deux enchères (par les Domaines puis par Drouot).

 

"Estimée par les Domaines 30 €, elle a été vendue 830 € (plus 11 % de frais) en juin 2022, avant d’être revendue en août 2022 à un antiquaire qui l’a restaurée et la met désormais en vente au prix de 9 200 €. "

 

Photo et citation extraits de La Tribune de l'Art, dans un deuxième article spécialement consacré à cette commode:

https://www.latribunedelart.com/une-commode-de-nicolas-petit-venant-de-grignon-en-vente-sur-internet

Au vu des manquements évidents relevés par les journalistes, du côté du ministère de l'Agriculture dont dépend AgroParisTech comme de celui de la Culture et de sa direction nationale d'intervention domaniale (DNID), et étant donné l'ampleur médiatique que prend le sujet, une enquête est lancée. Fin février 2023, le Procureur général près la Cour des comptes saisissait la Cour des comptes en vue de l’ouverture d’une instruction contentieuse sur cette affaire. Il s'agit pour la Cour d'une grande première, cette procédure n'étant possible que depuis le 1er janvier 2023.

Les responsables condamnés

Bien que rassurés par le fait qu'une telle procédure soit effectivement en ordre de marche, nous décidions à Grignon 2000 de ne pas tirer sur l'ambulance, nous contentant de rester factuels et de relayer simplement les informations dont nous disposions à l'époque. Demeurés sans nouvelles depuis l'ouverture de cette procédure malgré un suivi attentif de Sites et Monuments, le fin mot de l'histoire nous est finalement parvenu ces dernières semaines.

 

Quatre personnes ont été condamnées fin décembre dernier: deux membres de la direction de l'école ainsi que deux personnes des domaines. Vous pouvez retrouver le jugement complet de la Cour à ce lien.

 

Le jugement fait état, pour les deux représentants d'AgroParisTech en cause, d'amendes respectives de 4000 et 5000€. Il leur est reproché "d’avoir vendu des meubles entreposés à Grignon en méconnaissance des règles applicables à la gestion de biens d’intérêt historique et culturel de l’État, en particulier au regard du principe essentiel d’inaliénabilité, protecteur des biens appartenant au domaine public."

 

Outre le premier scandale de meubles de prestige dont on se débarrasse sans égards pour leur valeur patrimoniale et historique, il résulte de cette vente bâclée un manque à gagner sérieux pour l'Etat. En effet, achetés pour une bouchée de pain car identifiés comme sans valeur (30 ou 40€) et revendus à Drouot plusieurs dizaines de fois leur prix d'achat, mais proche de leur valeur réelle (de quelques centaines à quelques milliers d'euros), le préjudice financier cumulé de ces ventes à vil prix est de 220 000€.

 

Nous remercions chaleureusement nos amis de La Tribune de l'Art et de Sites et Monuments pour le rôle capital qu'ils ont joué dans cette alerte (après la révélation de la vente, leurs deux présidents ont été entendus comme témoins dans le cadre de la procédure).

 

Pour plus d'informations sur le verdict et ses implications, vous pouvez retrouver ici l'article détaillé de Julien Lacaze, président de Sites et Monuments:

https://www.sitesetmonuments.org/La-Cour-des-comptes-condamne-des-fonctionnaires-de-l-AgroParisTech-et-des-Domaines-pour-la-vente-du-mobilier-du-chateau-de-Grignon